Interview Manuela Júdice
Manuela Júdice
Commissaire générale pour le Portugal de la Saison France-Portugal 2022
La Saison a commencé le 12 février à Paris puis à Lisbonne et Porto, vos premières impressions sur ce lancement ?
Que ce soit à Paris, Lisbonne ou Porto, je suis très contente de ce que nous avons vécu. Le public était au rendez-vous dans les 3 villes et les projets, tous de très bonne qualité, ont bien été relayés par les médias de nos deux pays. Ce n’est qu’un début, mais je sais que les 9 mois qui viennent nous réservent beaucoup d’autres beaux événements …
La Saison a été co-construite, concrètement cela se traduit comment dans la conception et la programmation ?
La Saison a été imaginée par les deux commissaires. Par Victoire di Rosa et João Pinharanda dans un premier temps, puis par Victoire et moi. J’ai hérité de cette façon de travailler, basée sur la co-construction de la très grande majorité des projets. Cette approche m’a beaucoup plu car elle concrétise l’échange entre deux visions, le croisement des points de vue et des réalités de deux pays qui désiraient se présenter l’un à l’autre.
Comment vous définiriez l’esprit de cette Saison ?
Pour moi, l’esprit de cette Saison se traduit en deux mots : diversité et avenir.
Quel est le regard que l’on porte sur la France au Portugal et en quoi la Saison peut-elle changer cette perception ?
Je ne suis pas sociologue, et ne peux pas me prononcer avec exactitude sur cette question. Mais je peux dire que la France a perdu au Portugal l’aura dont elle a joui pendant des siècles. La Culture et la langue françaises ne sont désormais connues que par certaines catégories de populations, et dans certains domaines. Cette Saison pourra contribuer à faire évoluer les choses, en familiarisant le public avec cette France moderne et attractive que nous avons voulu montrer à travers la programmation.
Et que pensez-vous de l’image du Portugal en France, là encore, qu’est-ce que la Saison peut modifier ?
Je suis moins pessimiste quant à l’image du Portugal en France, quoique, là aussi, la perception qu’ont les Français de notre pays est un peu passéiste… L’immigration française au Portugal de cette dernière décennie a permis de porter un regard différent sur les Portugais.es, mais il faudra persévérer.
En mars, deux grands forums vont avoir lieu dans le cadre de la Saison, le Forum Océan à Paris et le Forum Egalité à Angers. Les enjeux de société sont au centre de la Saison, c’était important d’élargir la programmation au-delà du champ strictement culturel ?
Oui, il a fallu travailler une programmation autour des grands axes définis au préalable par les gouvernements portugais et français. Nous ne pouvons pas oublier que nous sommes deux pays européens, avec des problématiques communes, et qui doivent faire face ensemble aux enjeux du XXIème siècle. La Saison est en phase avec les présidences française et portugaise de l’Union européenne. De grands thèmes comme l’Égalité femme-homme, ou l’Océan que nous avons en partage, sont au premier rang de nos préoccupations. La culture est le fil rouge qui unit tous les autres domaines.
Et après ? Qu’aimeriez-vous qu’il reste de la Saison ?
Pour moi, la Saison ne peut pas se terminer le 31 octobre 2022. J’aimerais qu’elle donne envie de continuer à travailler… et à s’amuser ensemble ! Que le désir de l’autre persiste et que, 2 ou 3 fois par an, on puisse lancer de nouvelles initiatives ensemble.
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Interview Victoire di Rosa
Victoire di Rosa
Commissaire générale pour la France de la Saison France-Portugal 2022
Quels sont les enjeux de cette Saison France-Portugal 2022 ?
Les enjeux sont multiples : dans la relation politique bilatérale, je dirais que cette Saison nous permet de renforcer les liens et la volonté commune d’agir ensemble en Europe pour la préservation des Océans, pour l’Égalité Femme-Homme, pour construire l’Europe du futur.
Dans la relation culturelle, la Saison a permis de tisser des liens, de faire des rencontres réciproques et nous espérons que cette méthode de co-construction permettra de continuer la coopération sous toutes ses formes dans les prochaines années.
Nous espérons que ce moment exceptionnel entre nos deux pays permettra de
- célébrer la diversité et la créativité des talents français et portugais : artistes, entrepreneurs, scientifiques, tous ceux qui font la richesse de nos deux pays ;
- découvrir des oeuvres exceptionnelles et rares qui nous font rêver et qui nous inspirent;
- écouter les jeunes français, portugais, européens et nous laisser surprendre par ce qu’ils ont à nous dire ;
- réfléchir, débattre, échanger nos expériences et trouver des solutions ensemble aux défis de demain
La Saison s’articule autour d’axes forts, pourquoi avoir fait ce choix ?
Étant donnée la proximité historique, culturelle, économique avec le Portugal, il nous a semblé juste de profiter de cette Saison pour parler de sujets importants que partageons, d’adresser des problématiques qui intéressent les jeunes de nos pays : la bio-diversité, la transition écologique, l’égalité de genre, les langues française et portugaise, l’Europe. Ces grands thèmes ont aussi été des critères de sélection des projets pour donner à la Saison cette identité particulière que nous avons recherché avec Manuela Judice, mon homologue portugaise : le sentiment océanique. C’est un sentiment poétique et politique comme pourrait le dire le Président de la Saison Emmanuel Demarcy-Mota, car il inspire les artistes mais il nous donne aussi la responsabilité d’agir ensemble pour sa préservation.
Avec le Forum Océan des 2, 3 et 4 mars 2022, organisé par le Museum d’Histoire Naturelle et MARE (Lisbonne), la Saison permettra au public d’avoir accès aux plus récentes découvertes scientifiques touchant aux interaction Océan/Climat, grâce à la participation des meilleurs scientifiques portugais, français et européens.
La Saison s’inscrit dans la continuité des présidences portugaise et française du conseil de l’union européenne, pensez-vous qu’une saison entre deux pays européens puisse renforcer une identité commune européenne ? Quelle place pour l’Europe dans la Saison ?
L’Europe est présente dans de nombreux projets de la Saison et d’abord avec la présence d’expertes et de scientifiques européens dans les deux grands Forums Océan (2au 4 mars à Paris) et Égalité (9 et 10 mars à Angers) qui sont également inscrits dans le programme de la Présidence du Conseil de l’UE. Je peux citer également les projets : exposition « Europa Oxala ! » à la Gulbenkian, le Festival Europavox, ou tout le programme de la Maison du Portugal à la Cité universitaire internationale qui va mobiliser les étudiants européens pendant toute la Saison.
Comment qualifieriez-vous les relations entre la France et le Portugal ou entre plutôt les Français et les Portugais ?
Elles sont multiples, très diverses et très riches, à toutes les échelles.
La Saison met en lumière des relations multiformes et très vivantes qui existent entre France et Portugal : entre de grandes institutions culturelles françaises et portugaises, Théâtres, Festivals, Musées, mais aussi entre école d’art, entre organismes scientifiques, entre villes jumelées, entre départements et universités, entre entreprises, entre artistes et réseaux de résidences, etc. C’est ce qui a permis de construire le programme ensemble avec des co-productions, des collaborations, des échanges de programmation, des invitations de commissaires. Pratiquement tous les domaines de cette relation sont illustrés dans la Saison : sciences, recherche, éducation, tous les arts, la gastronomie, le patrimoine et la création contemporaine, l’art de vivre, la gastronomie bien-sûr, l’économie, l’innovation, les industries culturelle et les sports !
Comment avez-vous construit la programmation avec votre homologue, Manuela Júdice la commissaire portugaise et le président Emmanuel Demarcy Mota ?
Nous l’avons construite dans des conditions exceptionnelles, en concertation permanente, en prenant toutes les décisions ensemble, en la voulant séduisante, utile, proche des préoccupations des jeunes.
Nous nous sommes appuyés sur le désir réciproque des acteurs culturels, scientifiques et économiques de nos deux pays pour construire des projets un peu exceptionnels ensemble.
Quels sont les temps forts de la Saison ?
Difficile de faire un choix mais l’ouverture sera belle avec un concert de Maria João Pires à la Philharmonie de Paris le 12 février, un magnifique concert des Voix lusophones au Théâtre du Châtelet le dimanche 13 février, et à Lisbonne le mercredi 16 février, le vernissage de la grande exposition dédiée à Gérard Fromanger, première rétrospective depuis son décès en 2021. Dès le 18 février, Phia Ménard présentera son travail au Théâtre Municipal de Porto. Je peux citer également l’exposition de Pedro Costa, Rui Chafes et Nozolinho et toute la programmation de spectacles vivants au Centre Pompidou, l’exposition Shéhérazade au Palais de Tokyo en hommage au cinéaste Miguel Mendes, la présentation de l’œuvre Ça ira-Fin de Louis à Lisbonne en fin de Saison au théâtre National Dona Maria II de Lisbonne, mais aussi l’engagement et la participation de villes ou Métropoles comme Bordeaux, Rouen, Toulon qui ont prévu de très riches programmes multidisciplinaires. Le Portugal sera l’invité d’honneur du Festival d’Histoire de l’art à Fontainebleau, il sera également à l’honneur pour les Rendez-vous de l’Histoire de Blois ainsi que du Festival International de géographie de St-Dié des Vosges. La Casa do cinema de Manoel de Oliveira à Porto présentera la première exposition personnelle d’Agnès Varda au Portugal, comprenant à la fois des œuvres plastiques et une rétrospective de ses films. En science, le CNES et Portugal Space se sont associés pour plusieurs projets destinés au grand public en France et au Portugal, la Saison accueille aussi un projet d’astronomie pour les bébés. Le MUCEM reçoit en 2022 le formidable Festival d’art urbain lisboète Iminente. Le Festival Rio Loco de Toulouse recevra le Portugal sur les bords de la Garonne avec le programme multidisciplinaire « nova Onda », la Villa Tamaris à Hyères montrera la jeune génération de photographes portugais et le travail de l’artiste Bela Silva. Le musée Cantini de Marseille présente une magnifique rétrospective de l’artiste Vieira da Silva et le Centre d’art Olivier Debré de Tours l’exposition « Tout ce que je veux » composée uniquement d’artistes portugaises.
Ce n’est qu’une infime partie du programme : je vous invite à découvrir tous les projets enthousiasmants des nombreux artistes qui participent à la Saison : sur http://saisonfranceportugal.com pour le programme en France et aussi https://temporadaportugalfranca.pt/ pour le programme au Portugal.
Et après ? Qu’aimeriez vous qu’il reste de la Saison ?
Des amitiés, des rencontres, des découvertes qui donnent envie d’aller plus loin qu’une saison et d’inventer d’autres projets communs. Que la relation sorte renforcée et se prolonge après la Saison en quelque sorte…
Que peut-on vous souhaiter à la veille du lancement de cette Saison ?
Que la pandémie s’éloigne et que nous puissions prendre le temps pour nous retrouver et partager des moments de convivialité, et d’autres moments pour rêver, pour apprendre, pour découvrir des œuvres exceptionnelles.
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Gérard Fromanger
Né le 6 septembre 1939 à Pontchartrain dans les Yvelines, Gérard Fromanger commence dès 2 ans à peindre. Quelques années plus tard, à 17 ans, il fait un très bref passage – 18 jours à peine – aux Beaux-Arts de Paris puis suit les cours puis les cours du soir de la Ville de Paris dans la classe de Robert Lesbounit, à l’Académie de la Grande Chaumière. C’est là que le sculpteur César le remarque, lui propose de s’installer dans son atelier.
A cette époque, la fin des années 50, il se lie d’amitié avec Jacques Prévert et les frères Giacometti. Ils le présentent au marchand d’art et collectionneur Aimé Maeght avec qui il collaborera de 1964 à 1967. Les amitiés, fidèles, marqueront sa vie personnelle et sa vie d’artiste. Godard, Deleuze, Foucault sont ses compagnons de lutte et de réflexion. Le journaliste Serge July aussi, qui viendra à Lisbonne parler de son ami.
En 1964 il devient le plus jeune artiste exposé au Salon de mai au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Il a à peine 24 ans.
Un an plus tard, il abandonne le gris pour la couleur. Elle ne quittera plus son œuvre. Ce passage à la couleur est manifeste dans son Prince de Hombourg, un quintuple portrait de Gérard Philipe, où le rouge percute le noir.
Cette oeuvre fonde son appartenance à la Figuration narrative.
Début des années 60, alors que l’abstraction domine encore, le Pop Art, aux Etats-Unis et en Angleterre, et la Figuration narrative, en France, font irruption dans le monde de l’art. Le figuratif revient pour questionner un monde d’images et une société de consommation. Si Gérard Fromanger ne se revendique pas directement de la Figuration narrative, il en est très proche. Notamment dans son engagement politique.
Très actif en 1968 , occupant l’Odéon, fondant l’Atelier Populaire aux Beaux Arts qui fabrique les affiches révolutionnaires, participant activement aux mouvements de la gauche française, il poursuit cet engagement toute sa vie. La rue, il y descend pour protester et c’est aussi sa principale source d’inspiration. Les passants sont un motif récurrent dans son œuvre. C’est d’ailleurs eux, silhouettes rouges ou multicolores, qui sont le plus souvent évoqués lorsque l’on pense à Fromanger.
De la couleur, Gérard Fromanger a fait une révolution ! Qu’il utilise la photographie, la vidéo ou la peinture, c’est à la couleur que l’on reconnait d’emblée une œuvre de Fromanger. Ou plutôt aux couleurs. Elles explosent toutes, soulignent le propos, agissent comme un révélateur sur une image. Elles sont son alphabet. A l’occasion de sa rétrospective au Centre Pompidou en 2016 il confie à Eric Simon de Actuart : « L’arc-en-ciel est toujours venu à mon secours dans les périodes de doute comme dans les moments d’évidence. Les claires et les foncées, les primaires, les complémentaires et leurs intensités font socle, code et gamme permanents. »
Exposition La Splendeur O Espandor
Rétrospective de l’œuvre de l’artiste français Gérard Fromanger à travers plus de 60 peintures, dessins et sérigraphies, ainsi que son Film-Tract réalisé en 1968 en collaboration avec Jean-Luc Godard.
Commissaire Eric Corne
Museu Coleção Berardo du 17 février au 29 mai
Conférence le 17 février à 19h à l’Institut français du Portugal
Photos
Portrait Gérard FROMANGER- ©️Claire Delfino
Le rouge et le noir dans le Prince de Hombourg, 1965 (/ de la série Pétrifiés) 202 x 252 x 4 cm Musée national d’histoire et d’art Luxembourg Photo: MNHA | Tom Lucas
En Chine à Hu-Xian, 1974 (de la série Le Désir est Partout)Huile sur toile 200 x 300 cm Collection du Centre Pompidou, Mnam/Cci, Paris. © Gérard Fromanger
Au Printemps ou la Vie à l’Endroit, 1972 ( de la série Le Peintre et le modèle) Huile sur toile 150 x 200 cm Collection de l’artiste
Comment dites-vous, 1974 ( de la série Annoncez la Couleur) Huile sur toile 200 x 150 cm Collection Mariane Mathieu, Paris
Phia Ménard
Née en 1971, Phia Ménard débute son parcours artistique par la jonglerie, le jeu d’acteur et la danse contemporaine, avant de fonder en 1998 la compagnie Non Nova, référence à Non nova, sed nove : nous n’inventons rien, nous le voyons différemment. Un nom manifeste pour une démarche fondatrice.
Sa recherche sur l’« Injonglabilité Complémentaire des Éléments » la conduit, en effet, à explorer l’imaginaire de la transformation des éléments naturels (la glace, l’eau, l’air ) et leurs influences sur les comportements humains. Ses créations s’articulent alors en cycles : les Pièces de Glace (P.P.P., 2008, ICEMAN, 2009), les Pièces du Vent (L’après-midi d’un foehn Version 1, 2008, Vortex, 2011, Les Os Noirs, 2017) et les Pièces de l’Eau et de la Vapeur (Belle d’Hier, 2015, Contes Immoraux – Partie 1 : Maison Mère, 2017, Saison Sèche 2018)
Quiconque a vu ce que Phia Ménard réalise avec des sacs plastiques dans son Après-midi d’un foenh comprend la poésie qui se dégage de ses créations. Ou comment avec deux coups de ciseaux, un sac plastique et du vent on replonge dans instantanément dans l’émerveillement propre à l’enfance.
Les processus de transformations, celle qui est née dans un corps d’homme, les connait et les explore dans ses spectacles. « Mon propre corps me renvoyait à une place dans la société dans laquelle je ne me reconnaissais pas, et dans une société que je voulais absolument changer. Au moment où on se réapproprie ses propres gestes et où on comprend que, finalement, on n’a pas été totalement formaté par une éducation, par une société, on commence à comprendre ce que veut dire l’art. On commence à saisir que la démarche de l’artiste est souvent de se débarrasser de ce que la société lui demande de porter. » confie-t-elle sur France Culture dans Affaires culturelles en décembre dernier.
Autrice engagée, elle s’empare de la question du patriarcat, comme dans Saison Sèche, co-écrite avec Jean-Luc Beaujault et présentée au 72ième Festival d’Avignon en 2018, où elle critique la domination masculine et la violence faites aux femmes.
Artiste associée de différentes scènes nationales et centres chorégraphiques ou dramatiques nationaux (Chambéry, Lyon, Caen, Rennes …), elle est invitée en 2017 de la documenta 14 à Kassel et y crée « Contes Immoraux – Partie 1 : Maison Mère ».
Phia Ménard s’engage également dans la transmission. En 2019, elle devient présidente de l’association de l’Ecole du Théâtre National de Bretagne (TNB). En 2020, elle crée avec la promo X de l’école du TNB, la pièce « Fiction/Friction » et une édition intitulée “La Démocratie, qu’est ce que c’est amusant” avec la 79ième promotion de l’Ecole Nationale des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT) à Lyon.
Imprévisible et inclassable, Phia Ménard poursuit sur toutes les scènes du monde sa recherche et invite à entrer dans son univers. Le théâtre municipal Rivoli de Porto lui consacre un focus, du 18 au 26 février en ouverture de la Saison France-Portugal 2022.
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Photos
Portrait Phia Ménard – ©️beaborgers
L’après-midi d’un foehn Version 1 – Cie Non Nova – © Jean-Luc Beaujault
Saison Sèche – Cie Non Nova – © Jean-Luc Beaujault
Pedro Cabrita Reis
A peine franchi, face à la Pyramide du Louvre, l’Arc de Triomphe du Carrousel et son jardin, en pénétrant dans le Jardin des Tuileries, on aperçoit de loin trois silhouettes monumentales. Blanches. Imposantes. Puissantes. Solidement plantées au milieu de la pelouse du Grand réservé Nord du Grand Carré.
Impossible de manquer les Trois Grâces de Pedro Cabrita Reis. Invité par Le Louvre dans le cadre de la Saison France-Portugal, à créer une œuvre monumentale pour le Jardin des Tuileries, il a livré cette allégorie de la féminité, réponse à cette figure mythique et mythologique des Trois Grâces qui inspira tant d’artistes depuis l’Antiquité et dont Le Louvre possède quelques variations. « C’est moi qui ai choisi ce thème. Je trouve intéressant de reconsidérer des thèmes, des mythes et des récits qui constituent la base de l’histoire de l’art. Les Trois Grâces, qui parcourent notre histoire européenne depuis avant l’Antiquité classique, s’intègrent dans ce cadre d’action qui m’intéresse particulièrement», affirme Cabrita.
De cette invitation du Louvre est né un dialogue créatif avec les œuvres et les artistes d’autres siècles. Les statues antiques bien sûr, mais aussi les peintures, comme La Liberté guidant le peuple de Delacroix.
Les œuvres de Cabrita sont généralement monumentales, et ses Trois Grâces du Jardin des Tuileries ne font pas figure d’exception.
Sa version est composée de trois éléments autonomes, tous en liège, d’environ 4,50 m de hauteur chacun et pesant près de 500 kg, le tout reposant sur une base en fer d’environ 400 kg. L’utilisation du liège pour une œuvre conçue dans le cadre de la Saison France-Portugal est symbolique à plus d’un titre : matériau durable (c’est une thématique forte de la saison), le liège est aussi un patrimoine emblématique du Portugal.
Quant à sa version de la féminité, imposante et éclatante, elle s’intègre dans une saison qui s’attache à mettre en avant parité et inclusion ?
Pedro pour les amis, Cabrita pour le monde de l’art, Pedro Cabrita Reis est une personnalité, pourrait-on dire même un personnage, de l’art contemporain. Portugais, né en 1956, à Lisbonne, il a obtenu depuis des années déjà une reconnaissance internationale, depuis sa participation à Documenta IX, Kassel en 1992, aux biennales de São Paulo en 1994 et 1998, de Venise en 1997 et 2003. A Lyon, on se souvient de ses deux installations dans les entrepôts Bichat pour la XXe Biennale.
Polyglotte, il a étudié à la Saint Martin’s School of Art, au Royal College of Art et à l’University College de Londres. Il a enseigné à la Architectural Association, au Goldsmith’s College, à la Chelsea School of Art, et au Royal College of Art de Londres, ainsi qu’à l’école d’architecture de l’université de l’Illinois de Chicago, à la Jan Van Eyck Academy de Maastricht et à la Graduate School of Architecture Planning and Preservation de l’université Columbia. Il est membre du collège international de Philosophie de Paris et membre fondateur de la Fondation d’Architecture de Londres. Pedro Cabrita Reis est sans conteste l’un des artistes contemporains les plus internationaux du Portugal !
Artiste complet, Pedro Cabrita Reis est un peintre de la matière, brute ou issue de matériaux de récupération, qui entre ses mains prend une forme tridimensionnelle.
Qu’il utilise la photographie, la sculpture, la peinture, c’est la matière qui l’intéresse. Celle qui va au-delà des apparences du réel, qui s’inscrit dans l’espace, le structure. Déconstruire pour donner à voir la nature profonde.
Entrer en résonnance, comme ses Trois Grâces entrent en résonnance avec les œuvres du Louvre mais répondent aussi aux statues classiques ou modernes, du Jardin des Tuileries.
L’intégration d’œuvres d’art dans l’espace public est une question qui interpelle Pedro Cabrita Reis : «La place publique c’est le début de tout le processus historique et ça inclue aussi l’expérience de l’œuvre d’art. Pour moi c’est toujours un défi en permanence le rapport avec les villes, les habitants, le public et l’espace du domaine public. Les œuvres d’art sont alors dans un rapport direct avec ceux qui passent, ceux qui regardent, ceux qui s’arrêtent, ceux qui continuent, ceux qui portent dans leur mémoire l’image de l’œuvre qu’ils ont vu. C’est peut-être la façon la plus créative, la plus profonde, la plus énergique de faire venir la production artistique au public, de la proposer là où les gens se croisent. »
Les Trois Grâces ont été installées au Jardin des Tuileries le 26 janvier 2022. Elles seront inaugurées officiellement le 12 février, pour l’ouverture de la Saison France-Portugal 2022.
Maria João Pires
Née à Lisbonne en juillet 44, Maria João Pires est une enfant prodige : à 5 ans, elle interprète Mozart en public. Elle poursuit son apprentissage au conservatoire de Lisbonne, obtient de nombreux prix prestigieux et devient vite une référence. Elle joue Chopin , Mozart, Schubert, Schumann, Beethoven ou Bach seule à son piano ou accompagnée d’orchestres symphoniques, publie chez Erato, puis Deutsche Grammophon une cinquantaine d’enregistrements.
Pourtant, sa carrière, foisonnante, ne sera jamais rectiligne. Si le monde du piano la célèbre, elle ne lui sacrifie pas sa vie et encore moins ses convictions. La musique la guide mais une musique qu’elle tient à partager, avec son public bien sûr – elle confie d’ailleurs l’importance de cette empathie ressentie avec le public lors des concerts – mais aussi avec la société. Ainsi, elle s’engage dans de nombreux projets auprès d’enfants défavorisés ou entre artistes de différentes générations.
Des activités qui la tiendront éloignée des salles de concert pendant plusieurs années. Elle vit une vie itinérante d’abord puis se fixe au Brésil, revient au Portugal et crée à Belgais un lieu de rencontre alternatif autour de la musique, où elle prône un enseignement sans compétition, où les musiciens s’expriment en liberté, sans souci commercial, mélangeant les genres et les styles dans une recherche mue par le seul plaisir de la découverte.
Cette figure de la musique et des arts portugais, cette femme engagée, était toute désignée pour ouvrir cette Saison France-Portugal 2022 !
Retrouvez Maria Joāo Pires pour le concert d’ouverture le 12 février avec l’Orchestra Gulbenkian dans Deux portraits imaginaires (2013) du Portugais Pedro Amaral , le Concerto pour piano n° 2 (1829) de Frédéric Chopin et La Mer (1905) de Debussy puis le 13 dans un trio avec Beethoven et Brahms par le trio formé par son complice Augustin Dumay et Jian Wang dans Beethoven et Brahms.
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