Ana Paixao


Directrice de la Maison du Portugal à la Cité Internationale Universitaire de Paris

La Maison du Portugal est un lieu emblématique de la lusophonie à Paris, comment est née cette institution ?
La Maison du Portugal a été crée par la Fondation Calouste Gulbenkian en 1960 et a ouvert ses portes en 1967, avec la désignation Maison des étudiants portugais. Depuis elle a accueilli environ 8000 étudiants de tous les domaines et de plusieurs nationalités différentes, notamment des boursiers de la Fondation Gulbenkian qui venaient à Paris pour continuer leurs études et développer une carrière artistique.

Quels sont les temps forts de son histoire ?
Un des moments forts de la Maison du Portugal a eu lieu quelques mois après son ouverture, quand, en mai 68, elle sera la Maison des étudiants et des travailleurs portugais, pendant quelques semaines. Avant la révolution des œillets, cette Maison était déjà un espace de liberté, et en 74 elle deviendra la Résidence André de Gouveia, pour rendre hommage à l’humaniste qui a été Recteur de la Sorbonne au XVIe siècle. Plus récemment, en 2014, la désignation change, devenant Maison du Portugal – André de Gouveia, et en 2016 deux nouveaux espaces ont été inaugurés : la Salle Fernando Pessoa et la Salle Vieira da Silva. Cette dernière accueille, depuis 2020, la Bibliothèque Gulbenkian : https://gulbenkian.pt/paris/bibliotheque/

Quelles sont les différentes missions de la Maison du Portugal ? Est-elle accessible à tous ?
La principale mission est celle de l’accueil d’étudiants qui viennent du monde entier. Cette année universitaire, nous avons des résidents de 43 nationalités différentes qui vivent ensemble dans ce bâtiment et apprennent à se connaître et à se respecter. Comme toutes les maisons de la Cité universitaire, la Maison du Portugal organise et accueille des événements en lien avec son pays d’origine et, pour notre cas, en rapport avec la langue et les cultures de langue portugaise, une programmation faite en partenariat avec mon collègue José Manuel Esteves qui dirige la Chaire Lindley Cintra de l’Université Paris Nanterre, et avec le Lectorat de langue portugaise de l’Université Paris 8 de Camões – Institut pour la coopération et pour la langue.
Pour résider à la Maison du Portugal il suffit d’être inscrit dans une université de la région académique Ile-de-France et candidater sur le site : www.ciup.fr
Pour venir assister à notre programmation, il suffit de venir. Toute notre programmation est libre et gratuite : https://www.citescope.fr/selection/saison-france-portugal/

Vous avez-vous-même été résidente à la Cité universitaire, qu’est-ce que cela vous a apporté personnellement, et plus largement, qu’est-ce que cela peut apporter à un jeune d’y résider ?
Les valeurs du campus au quotidien sont ceux du vivre ensemble, de l’interculturalité, de la connaissance de l’autre, et de la paix. La plus grande spécificité du campus est celle du brassage : l’échange de résidents d’une maison à l’autre qui permet d’avoir une expérience internationale sans sortir de Paris. Un séjour à la cité permet de créer des liens extrêmement forts et pérennes avec d’autres résidents internationaux. La cité est une fenêtre vers la France et Paris, et elle est surtout une ouverture vers le monde entier.

La Maison du Portugal est un acteur majeur de la Saison France-Portugal 2022 avec une programmation culturelle foisonnante, quelle est l’importance pour vous de cette Saison ?
La valeur principale de ce campus est celle de la paix, qui s’associe à d’autres principes comme ceux de la parité et du développement durable dans un campus habité par des jeunes. Ces aspects constituent également les axes de la Saison France-Portugal 2022, et le dialogue qui s’est établi depuis le premier moment avec les commissaires et les équipes des deux pays a bien montré cette affinité. La Saison permet de mettre en valeur, de diffuser une programmation qui a une affirmation progressive avec presque 900 événement organisés depuis 2010, et de créer de nouveaux partenariats, de nouer des liens avec d’autres institutions, associations ou artistes.

Quel est le premier bilan que vous pouvez tirer de cette première partie de Saison ?
Un bilan extrêmement positif, avec des salles pleines, montrant bien l’intérêt du public par la diversité proposée qui va de la musique au cinéma, en passant par des colloques, des expositions, de la danse ou des conférences.

Du point de vue des publics, est-ce que la Maison du Portugal est essentiellement composé de public lusophone ? Est-ce que la Saison permet d’ouvrir à d’autres publics ?
La Maison du Portugal est située à l’intérieur de la Cité internationale universitaire de Paris et notre public est essentiellement varié. Pour certaines activités, comme par exemple, les remises de prix, les rencontres avec les élèves qui font des cours de portugais, le public est essentiellement lusophone. Cependant, de façon générale, il s’agit d’un public éclectique, en termes de nationalité et d’âge.

Personnellement, quels moments forts retenez-vous ?
Le concert d’ouverture dédié à Alain Oulman et à Amália Rodrigues a permis de commencer le dialogue fusionnel entre les deux pays, avec la voix de Mariana Fabião et Jardin Jazz. D’autres moments forts que je retiens sont, par exemple : les créations de Lídia Martinez qui travaille sur les rapports interartistiques entre les deux pays depuis plus de quarante ans ; le projet d’édition AVA et de concert coordonné par Bruno Belthoise qui a permis cette année à 39 jeunes pianistes portugais et français de se produire sur scène en jouant des fados ; les présentations de projets d’élèves avec la coordination de l’enseignement du portugais en France autour de la préservation des océans ; les deux activités réalisées avec l’ILGA et l’Inter-LGBT avec l’exposition Familles diverses de Mag Rodrigues et le documentaire Les Lettres du Roi Arthur à partir de Cruzeiro Seixas et Cesariny, avec des lectures de la compagnie Cá & Lá ; le colloque 48 x 48 : 48 ans de démocratie après 48 de dictature, temporalités portugaises en miroir qui a permis de repenser le Portugal actuel à partir de la France, dans un dialogue de miroirs entre ses années sombres et ses années démocratiques.

Quels sont les événements à venir les plus importants ?
La rentrée prévoit encore plusieurs moments forts comme des dialogues entre la musique portugaise et française avec des propositions de concerts du Mouvement Patrimonial pour la Musique portugaise, une exposition sur la diaspora juive portugaise avec les éditions Chandeigne, Compagnie de danse d’Evora et une création de Nélia Pinheiro sur L’aveuglement de José Saramago, l’exposition des Couples de rêve des Borders Lovers qui présente des personnalités françaises et portugaises, le récital Une ville de papier autour de l’œuvre de Vieira da Silva, et pour la clôture un projet de deux pianistes de jazz, José Inácio et François Couturier, qui rassemble aussi photographie et littérature.

Que pensez-vous qu’il va rester durablement de cette Saison ? Ou qu’aimeriez-vous qu’il reste ?
Une image très positive de la création portugaise, une curiosité et une envie de continuer à (re)découvrir le Portugal.

Et après la Saison, quels sont les projets, le programme ?
Le programmation poursuivra ses partenariats avec les universités françaises et portugaises, les maisons d’édition, les Festivals Parfums de Lisbonne ou Signes de Nuit, les conférences européennes avec Europa minha, les expositions et cycles de conférences du projet Chiado, Carmo, Paris et les Beaux-Arts de Lisbonne, les concerts et éditions avec AVA autour du répertoire de compositeurs portugais pour le piano, les partenariats avec des concours de musique portugais comme Santa-Cecília ou Rotários, les résidences artistiques dans les domaines du théâtre (Orelhas absolutas, Cá & Lá) ou de la danse (3CL, A2), et surtout une grande ouverture pour accueillir de nouveaux projets et défis issus de la Saison France-Portugal 2022.